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Par une radieuse journée d’automne du 24 novembre 1983, un vieux monsieur de 94 ans ayant conservé jusqu’au bout une étonnante présence, s’est doucement éteint en Provence chez une de ses filles. Son dernier livre « Les Cerises de Monsieur Chaboud » venait de sortir : Cela a été sa dernière joie.
Son nom : Général Chambe.
Ses mérites : Parmi les plus grands qu'on puisse attendre d'un défenseur de la Patrie, et une présence humaine, littéraire et philosophique en temps de paix, qui devraient dans les décennies à venir, le rétablir parmi les grandes figures du XXe siècle.
Cavalier, puis aviateur et écrivain, René Chambe naît à Lyon le 3 avril 1889. 12rue Jarente à LYON, dans le même quartier qu'Antoine de saint Exupery, qui sera son ami. Ses études se déroulent chez les Dominicains d’Oullins et sa prime enfance s’écoule joyeuse au château de Monbaly près de Bourgoin jusqu’à l’âge de 13 ans, où il est cruellement marqué par la mort de son père...
Ses professeurs auraient aimé lui voir embrasser une carrière littéraire mais il choisira de servir dans l’armée parce qu’il a de l’enthousiasme et regarde obstinément la ligne bleue des Vosges. Passionné de cheval, seule la cavalerie présente un réel attrait pour lui. Il veut aller à l’école de Saumur et comme celle de Saint-Cyr n’y conduit pas inéluctablement, il décide, à 18 ans, de s’engager et il est incorporé au 10e régiment de hussards à Tarbes.
Promu sous-lieutenant le 1er octobre 1913, à sa sortie de l’École de Saumur. Affecté au 20e dragons, il fait avec ce régiment la première partie de la guerre de 1914-1918 : entrée en Alsace-Lorraine en août 1914, bataille de la Marne, course à la Mer, opération de l’Yser en Belgique.
En janvier 1915, il décide d'entrer dans l'aviation et participe aux premiers combats aériens.
Le 1er avril 1915, le sous-lieutenant Chambe abat son premier avion allemand, comme passager de Pelletier-Doisy, pilote. A cette époque, les appareils de chasse sont encore biplaces. Le pilote conduit l’avion, le passager tire. Il tire avec une carabine de cavalerie, coup par coup, avec un chargeur de trois cartouches.
Le combat a eu lieu à bout portant. L’avion ennemi est tombé dans les lignes françaises. Pelletier-Doisy et le sous-lieutenant Chambe sont indemnes. Ce duel aérien a un grand retentissement, car de telles rencontres sont encore exceptionnelles. C’est en effet la cinquième victoire aérienne depuis le début de la guerre. Les sous-lieutenants Chambe et Pelletier-Doisy sont cités à l'ordre de l'Armée et faits chevaliers de la Légion d’honneur le jour même, par le général Franchet d’Espérey. Deux autres citations de semblable valeur récompenseront encore l'ancien cavalier.
Réticent à se marier en pleine guerre, Il épouse en février 1918 une femme admirable qui lui a écrit : « Marions-nous au contraire, le plus vite possible ! Je n’ai pas eu de frère, mon père est trop âgé pour porter les armes. Ne me refusez pas l’honneur d’avoir un mari sur la ligne de feu et de courir des risques avec lui ! Rassurez-vous, je ne vous demanderai jamais de revenir à l’arrière, ni d’abandonner l’aviation".
Après la 1ère guerre, il opte définitivement pour l’aviation, où il sert depuis quatre ans et où il finira sa carrière. Il sera successivement officier d’État-Major, chargé des questions d’aéronautique au 14e corps, et commandant de groupe dans une escadre. Le général Denain, ministre de l’Air, l’appelle en 1934 auprès de lui, à son Cabinet militaire, où il exerce les fonctions de sous-chef de Cabinet, chargé des questions d’informations et d’expansion aériennes.
Deux ans plus tard, le lieutenant-colonel Chambe qui, entre temps, a mis en place le service historique de l’Air est nommé directeur des Etudes à l’École de l’Air (le Saint-Cyr de l’aviation), laquelle vient d’être créée.
Au printemps de 1938, il prend à Lyon le commandement de la 35e escadre de bombardement de nuit. Cette escadre est mobilisée et reçoit ses missions de guerre au moment de la tension de Munich en août 1938.
Le colonel Chambe reçoit l’ordre secret en février 1939 l’affectant, en cas de guerre, au commandement des Forces Aériennes (aviation et artillerie de D.C.A.) de la 7e armée. C’est un commandement d’officier général. Cette armée sera aux ordres du général Giraud. Et c’est la seconde guerre mondiale.
Le 28 février 1940, sur l’ordre du général Giraud, le colonel Chambe organise à son P.C. de Saint-Omer une importante réunion, où est étudiée l’action probable de l’aviation allemande le jour où l’ennemi se décidera à passer à l’offensive. Tous les généraux de la 7e armée et un certain nombre d’officiers généraux ou supérieurs des armées voisines (parmi lesquels le colonel de Gaulle) assistent à cette réunion. Ils en sortent émus et se demandent si le colonel Chambe n’a pas surestimé les forces aériennes de l’ennemi, en particulier le nombre de ses groupes de bombardement et ses possibilités d’action.
Hélas, le 10 mai 1940 prouvera surabondamment que ses estimations étaient encore au-dessous de la vérité. Le bombardement simultané de tous les P.C. d’armée, de corps d’armée, voire de divisions, des terrains d’aviation et des nœuds de communications français fera tomber les écailles des yeux du commandement. Mais trop tard.
Démobilisé, le général Chambe (qui fait dans le même temps de nombreuses conférences publiques pour maintenir et stimuler le moral de trop de Français découragés par la défaite et les privations) entre dans un complot dont le but est de faire évader son ancien chef le général Giraud, prisonnier des allemands.
La liaison est établie par code secret avec le général Giraud. Celui-ci veut s’évader, afin de travailler, lui aussi, de tout son pouvoir à relancer la France dans la guerre, c’est-à-dire dans la victoire dont il a la certitude. Les conjurés savent à quel point ce chef magnifique sera utile à la France. Durant plus d’un an ils préparent cette évasion. Et elle réussit.
Quand le général Giraud arrive en France, c’est le général Chambe qui l’abrite et le cache sous un faux nom, à la campagne, en Dauphiné, dans une propriété de sa famille. Chargé par le général Giraud après son départ pour Alger de plusieurs missions à remplir en France après son départ, en particulier auprès du général Frère, futur chef de l’armée secrète, il le rejoint ensuite après bien des péripéties en se faufilant par l'Italie.
A sa demande de prendre immédiatement un commandement sur le front de Tunisie, où combattent nos troupes, le général Giraud répond par un refus, déclarant au général Chambe qu’il a constitué depuis peu un gouvernement provisoire et qu’il y a besoin de lui. Il le nomme (et la presse d’Afrique du Nord l’a déjà annoncé) ministre de l’Information.
Le général Chambe doit s’incliner. Durant quatre mois, il exercera ainsi les fonctions de ministre de l’Information. C’est à ce titre qu’il aura à conduire avec le colonel américain Hazeltine la "Guerre psychologique". C’est une idée à laquelle les Américains, à juste titre, tiennent énormément. Il s’agit de s’attaquer au moral de l’adversaire, armée et population civile, par la propagande radio, tracts, renvois de prisonniers avec messages, etc...
Ultérieurement, le général Chambe rejoint en Italie le général Juin, subordonné et ami toujours loyal du général Giraud, commandant un chef du corps expéditionnaire français d’Italie. Là, affecté à son Cabinet, il aura tout loisir de pouvoir - comme il l’avait souhaité dix-huit mois auparavant, en arrivant à Alger - revoir l’ennemi face à face.
Servant tantôt dans une unité, tantôt dans une autre, le général Chambe, enlevant les étoiles de ses manches, se battra maintes fois comme simple soldat, au milieu des tirailleurs qui ne le connaissaient pas. Ce sera sa grande satisfaction, sa grande récompense. Il prendra part ainsi à la plupart des combats de la campagne d’Italie et à l’entrée victorieuse à Rome le 5 juin 1944.
La campagne d’Italie achevée, le général Chambe va participer à celle de France. Le 15 août 1944, à bord d’un transport de troupes, il prend part au débarquement de vive force sur les côtes de Provence et est affecté au Cabinet du général de Lattre de Tassigny, comme il le fut, en Italie, à celui du général Juin. Cela lui permet d’assister, ou de participer, à toutes les grandes opérations, jusqu’à la capitulation de l’Allemagne le 8 mai 1945.
Tout en poursuivant sa carrière militaire, le général Chambe entreprit une carrière d’écrivain. En le décidant, un des buts qu’il s’était proposés était de mieux faire connaître au public le domaine de l’air et de l’aviation.
Entre 1927 et 1939, il publie 7 ouvrages, dont : "Dans l’enfer du ciel" et "l'Escadron de Gironde" (Ouvrages couronnés par l’Académie française)., ainsi qu'une biographie : "Hélène Boucher, pilote de France".
Au lendemain de la guerre de 1939-1945, il reprend son oeuvre, pour un temps interrompue. Il a depuis la fin des hostilités publié quatre nouveaux ouvrages dont une biographie de Guynemer, et une somme considérable : "Histoire de l’Aviation".
Il faut en ajouter douze pendant sa retraite en Limousin, dont une biographie du Maréchal Juin,.et "Propos d’un vieux chasseur de coqs", car il avait une passion pour la chasse.
"Les cerises de Monsieur Chaboud" sera son dernier ouvrage..
Avec ce total de 23 livres il convient de signaler de très nombreux articles parus dans la presse et diverses revues et périodiques, en particulier dans la Revue des Deux-Mondes dont il a été un collaborateur assidu avant la guerre de 1939.
Enfin, il a prononcé de nombreuses conférences en France et à l’étranger. Le sujet dont il a traité le plus souvent est, bien entendu, le domaine de l’air et l’aviation.
Militaire placé lui-même "Au carrefour du destin", René Chambe a connu et approché de grands personnages aux heures critiques de notre Histoire. Historien dans l'âme, il avait pris soin de noter sur des carnets chaque détail tout au long de sa vie et ses carnets de guerre constituent un témoignage irremplaçable.
Civil à la fois romancier, essayiste, historien d'aviation, historien militaire, biographe, l'œuvre littéraire de René Chambe est très importante. Merveilleux conteur, ayant le don inné de faire voir et vivre l'événement, comme si le lecteur en était lui-même acteur ou témoin. La marque de René Chambe dans tous ses livres, c'est la conviction profonde de sa pensée, l'exaltation des beaux sentiments, l'élan, l'enthousiasme, la foi dans le succès, l'optimisme invulnérable, la jeunesse du cœur, sans omettre le goût de la méditation et de la recherche philosophique de la vérité dans un français à l'état pur.
Son ami Pierre Jarrosson auteur de ces lignes m'a écrit en septembre 2003 :
"Il y a tant de choses à dire sur cet homme, qu'il m'apparaît difficile de résumer sa vie en quelques feuilles. Je suis certain que vous le ferez mieux que moi. "
Hélas, je ne saurais mieux dire, et cet abrégé imparfait et sans apport nouveau, n'est qu'une invitation à lire ici la biographie en ligne du Général Chambe :
http://generalchambe.free.fr/Biographie.htm
et à découvrir ses ouvrages que vous aurez plaisir à chiner chez les bouquinistes.
Merci à Pierre Jarrosson qui sans me connaître, m'a laissé carte blanche pour mettre en avant son valeureux ami.
La Plaque du Jour signalée par M. Jarrosson a été photographiée à Vaulry en Haute-Vienne, où elle a été inaugurée en 1989. Le "du" y est en trop. Les usages veulent qu'un nom propre sur une plaque de rue ne soit pas précédé de cette préposition. Deux autres rues au moins portent son nom : Une à Limoges, et une autre à Champagny en Vanoise. Depuis 2004, la commune de Couzeix en Haute-Vienne doit également avoir sa rue Général Chambe. C'est peut-être le début d'une reconnaissance méritée pour l'instant circonscrite à ses lieux de vie.
Contrairement aux aviateurs de sa trempe tels Guynemer, Nungesser (qui venait des Hussards) ou Roland Garros dont l'existence abrégée a été remplacée par une immortalité d'émail, le Général Chambe a eu la chance de devenir âgé. Revers de cette bonne fortune, il a disparu sans bruit, pour ne pas dire dans l'oubli, ne suscitant pas l'émoi qui pousse vers les honneurs posthumes.
Ayant fait de son existence une longue conquête, il lui faudra du temps pour trouver le chemin de notre voirie.
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