Rue des Vivants

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"Il est encore rare que des personnages soient honorés de leur vivant, même si une tendance paraît se dessiner en ce sens en faveur de sportifs. Marignane a consacré tout un quartier à des gloires plus ou moins passées, mais non encore disparues (Jazy, Drut, Hinault, Mimoun, etc.). Tel village du Var a donné le nom d’un coureur cycliste qui a eu son heure de gloire à une partie de la place où il tenait son café, amputant ainsi Aristide Briand d’une partie de la place que la municipalité des années trente lui avait attribuée. Telle autre localité du même département porte au pinacle un champion qui n’a pas encore décroché (Richard Virenque à Carqueiranne). Les hommes politiques, les artistes et écrivains, les chefs d’entreprise, les savants, ne bénéficient pas en général, de cette dérogation."

Jean-Marie Guillon de l'Université de Provence a signé une remarquable étude sur "l’évolution du panthéon toponymique", à laquelle je souscris pour de nombreuses conclusions auxquelles je suis moi-même parvenu. En fait, il n'était pas rare jusqu'au XIXe siècle que les vivants soient préférés aux défunts pour classifier la voirie, mais les bouleversements politiques nombreux, les renversements d'alliance et les chaos ont échaudé les municipalités. Dans un contexte apaisé, certaines tentent timidement quelques entorses à un usage somme toute assez récent.

La Ville de Paris n'est pas concerné par les exceptions constatées, et elle demande même qu'un personnage soit depuis au moins cinq ans à six pieds sous terre pour prétendre rejoindre la nomenclature des rues parisiennes. Néanmoins, en ce qui concerne la catégorie de personnalités qui bénéficient en province d'un regain de faveur de leur vivant, j'ai en référence plusieurs milliers de plaques photographiées en divers lieux, et la lecture de la liste des rues de nombreuses villes de France et je ne partage pas les restrictions du sociologue.

J'ai certes photographié une rue Mimoun à Sarlat et une rue Poulidor en Limousin. Seule la rue Mimoun va dans le sens des propos de Jean-Marie Guillon. La rue Poulidor se trouve sur ses terres, en Limousin, tout comme j'y ai rencontré par hasard la rue Georges Emmanuel Clancier écrivain lui aussi natif du Limousin.

En fait, par la vogue du retour aux sources, la province se plaît à honorer les personnages de leur terroir de renommée, quel que soit leur domaine de notoriété. Les artistes et les écrivains ne sont pas plus oubliés que les sportifs, et déjà de son vivant, Tino Rossi avait un boulevard en Corse, tandis que Charles Trenet a inauguré l'avenue qui porte son nom là où est sa maison natale à Narbonne. Qui ne connaît pas les albums de "Sylvain et Sylvette" les petits personnages qui ont bercé mon enfance crées par 1941 par Maurice Cuvillier et repris en 1956 par Jean-Louis Pesch, de son vrai nom Jean Poisson ? Eh bien la municipalité de Juvardeil dans le Maine et Loire d'où il est natif a donné son nom à une ruelle, et cet aimable dessinateur a illustré de ses personnages toute la voirie de Juvardeil.

Enfin, les hommes politiques bénéficient aussi de cet effet de proximité. Yves Guéna, Président du Conseil Constitutionnel, vient de se voir attribuer une place inaugurée en grande pompe le 22 novembre 2003 à Périgueux, ville dont il fut maire de 1971 à 1997, même s'il est natif de Brest.

Valéry Giscard d'Estaing n'a peut-être pas encore sa place à Chanonat dans le Puy de Dôme, même si sa localité, tout comme Chasseneuil du Poitou aujourd'hui a été sous le feu des projecteurs, mais une petite localité d'Alsace, Ringeldorf, a donné son nom à une rue en souvenir de la visite faite après son élection. Ringeldorf y a forcément été sensible, puisqu'il s'agit de la commune qui avait le plus voté pour le désormais seul ex-Président de la République encore en vie.

L'exemple le plus probant en matière de politique est la floraison des voies Nelson Mendela, président Sud-africain vainqueur de l'apartheid, par une sorte d'exutoire des municipalités de gauche qui avaient coutume de donner des noms de gloires soviétiques désormais déchues, à la voirie de leurs administrés.

Dans tout ceci, point d'égalité hommes/femmes ! Les femmes sont sous-représentées sur les plaques de nos rues, mais il faut bien comprendre que la plupart des rues ont été baptisées quand la prééminence masculine ne leur donnait même pas le droit de vote, et seule Marie Curie figure au "top 10". Dans les dénominations récentes, les pionnières de l'aviation ont une part prépondérante. Une place, c'est justement ce que la petite localité d'Eygalayes dans la Drôme a décidé de proposer chaque année depuis l'an 2000, à une femme d'autant plus vivante qu'il faut qu'elle soit candidate et prête à verser une obole pour financer l'aménagement de la place. Cette initiative hors de toute coutume ou tradition a défrayé la chronique et agité la préfectorale, mais plusieurs femme déjà se sont relayées sur la place du village.

http://www.tamtamdesbaronnies.com/2000/laurent1.html

Actuellement, l'idée a pris une autre portée, puisque le maire d 'Eygalayes dans la Drôme, a décidé que la place porterait le nom d'Ingrid Betancourt jusqu'à ce qu'Ingrid soit libéré des mains de ses ravisseurs sud-américains. L'initiative de Monsieur le Maire l'a amené à inaugurer une autre place Ingrid Betancourt à Anthisnes, en Belgique. Plus de 1000 communes françaises ont par ailleurs signé la motion de soutien officielle.

http://www.1170.be/watermael_boitsfort/dossiers/betancourt.asp

Souhaitons qu'Ingrid Betancourt revienne vivante de son aventure, et elle aura bien mérité, pour ses actions politiques courageuses suivies de cette interminable captivité, de continuer à figurer dans l'anthologie des vivants.

Voici donc présenté par ordre d'âge, un bon échantillon du cercle très restreint des personnage qui, de leur vivant, peuvent ou ont pu rencontrer leur nom précédé de celui d'une rue, au détour d'une adresse ou d'une promenade.

Personnages toujours vivants honorés par une plaque de rue :

L'écrivain Georges Emmanuel Clancier est né à Limoges en Haute Vienne le 3 mai 1914 et file vers ses 90 ans.

La plaque de sa rue a été photographiée à Aixe Sur Vienne, non loin de Limoges.

http://www.univ-st-etienne.fr/etudiant/emedia/n1/pages/clanc.htm


Nelson Rolihlahla Mandela (Rohlilahla signifie "celui qui crée les problèmes" en langue courante Xhosa) est né le 18 juillet 1918 dans la province du Transkei en Afrique du Sud.

Prix Nobel de la Paix 1983, il est le Président en exercice de l'Afrique du Sud. Son combat réussi pour mettre un terme à l'apartheid (développement séparé des races) en Afrique du Sud lui a valu auparavant de croupir de nombreuses années en prison.

La plaque a été photographiée à Coulounieix-Chamiers, en Dordogne. http://grioo.com/info339.html


Alain Mimoun, grand athlète français, est né en Algérie le 1er janvier 1921

Garçon de café au restaurant du Racing Club de France, il deviendra le coureur de France le plus titré. Il a conquis son dernier titre de champion de France en 1965 à l'âge de 44 ans.
La plaque a été photographiée à Sarlat, en Dordogne.
http://apella.ac-limoges.fr/ia19/ecoles/jjussel/Homcel/Mimoun/Mimoun.html


Jean Rédélé dont je n'ai pas encore la plaque de rue est né le 17 mai 1922 à Dieppe, en Seine-Maritime. Plus jeune concessionnaire de la marque Renault dans les années 50, c'est un passionné de rallyes, créateur de la célèbre Alpine, (testée dans les Alpes) que Renault finira par accepter de faire figurer à son catalogue et dont le concept sportif sera décliné sur différents modèles.

La rue au nom de Jean Rédélé a été inaugurée le 15 septembre 2001 à Martin Eglise, non loin de Dieppe, sa ville natale. «Nous avons souhaité que la rue qui portera le nom de Jean Rédélé se trouve sur la zone Euro Channel - donc sur Martin-Eglise - car il a évidemment suscité le développement économique de l’agglomération dieppoise." Jean Rédélé a fait travailler jusqu’à 400 personnes dont 80 au service compétition, et il a collaboré avec Amédée Gordini (1899-1979).


Yves Guéna est né à Brest le 6 juillet 1922.

Résistant de la première heure, ancien Ministre, ancien Maire de Périgueux et ancien Sénateur, il est Président du Conseil Constitutionnel.

La plaque a été photographiée le jour de son inauguration à Périgueux le 22 novembre 2003 en sa présence au micro, et en la présence notamment de ses deux successeurs, Xavier Darcos, Ministre délégué à l'Enseignement Scolaire, et Jean-Paul Daudou, le maire actuel.
La présente plaque a l'heureuse particularité d'être bi-face, présentation suffisamment rare pour être soulignée et donner un exemple à toujours suivre !


Valéry Giscard d'Estaing, ancien Président de la République, est né le 2 février 1926

La plaque de la rue qui l'honore a été photographiée à Ringeldorf de la Communauté de communes du Pays de la Zorn du Canton de Hochfelden dans le Bas Rhin, par Max, un ami internaute que je remercie.
Le bourg qui compte 309 habitants est parfois surnommé "Giscarville", car c'est la commune française qui a le plus massivement voté pour le Président élu, d'où sa visite, et d'où la plaque.


Le dessinateur et scénariste Jean-Louis Pesch, de son vrai nom Jean Poisson, est né au cours des années 20 à Juvardeil dans le Maine-et-Loire, à une date non précisée.

La plaque a été photographiée à Juvardeil, son village natal, et elle m'a été envoyée sur support papier par Jean-Louis Pesch lui-même qui habite dans le sud de la France et compte se retirer un jour dans son village natal. Comme les autres plaques de son village, il a illustré celle-ci de ses personnages. Il fait bénéficier le village de ses droits d'auteur en faveur des jeunes de la commune, et il a la gentillesse de Sylvain, son héros intemporel. Il n'est pas le créateur des aventures de Sylvain et Sylvette, qui ont vu le jour sous le crayon de Maurice Cuvillier en 1941, mais à la disparition de ce dernier, il a repris dessins et scénarios en 1956. Il fait vivre un autre personnage qui lui est propre, Bec de fer. Pour les aventures de Sylvain et Sylvette, Jean-Louis Pesch passe en ce moment la main à un jeune dessinateur du nom de Bérik.

http://www.chez.com/bdmontreuilbellay/Timbre_plus.htm


Raymond Poulidor le célèbre "Poupou" toujours second du Tour de France cycliste, est né le 15 avril 1936 à Masbaraud-Merignat dans la Creuse.

Sa première victoire cycliste, le Prix de la Quasimodo, il la remporte le 1er avril 1954 à St Léonard de Noblat, en Haute Vienne.

Ceci expliquant cela, la plaque a été photographiée à Oradour sur Vayres, village limousin.

Personnages contemporains honorés de leur vivant par une plaque de rue et décédés depuis :

Le chanteur Tino Rossi de son vrai nom Constantino Rossi était né le 29 avril 1907 à Ajaccio, en Corse du Sud. Il est décédé le 26 septembre 1983 à Neuilly-sur-Seine dans les Hauts de Seine à l'âge de 76 ans.

Malgré son répertoire étoffé, "Petit Papa Noël" restera à jamais sa chanson phare, "la" chanson de Noël pour encore bien des générations. Un boulevard à son nom inauguré de son vivant existe à Ajaccio, et s'y rajoute aujourd'hui un port Tino Rossi. La plaque présentée ici a été photographiée à Brest par Jean-François, un ami internaute que je remercie.


Le chanteur Charles Trenet, était surnommé le "Fou Chantant". Né le 18 mai 1913 à Narbonne, dans l'Aude, il est décédé aux premières heures du 19 février 2001 à l'hôpital Henri Mondor de Créteil, âgé de 87 ans . Ses obsèques ont eu lieu en l'église de la Madeleine à Paris, et ses cendres reposent dans le caveau familial du cimetière de Narbonne.

Impérissable auteur de "la Mer" et de centaines d'autres chansons joyeuses ou poétiques, il est le prophète comme il est écrit dans ma Rue de la Poésie, du passage d'une de ses oeuvres : "longtemps, longtemps après que les poètes ont disparu, leurs chansons courent encore, dans les rues."

Il a eu tout loisir de voir la plaque à son nom, inaugurée en sa présence dix ans avant son décès. Cette photo de la plaque réactualisée revient un internaute de Narbonne que je remercie pour sa coopération dans des circonstances bien particulières, et, ce qui ne gâte rien; pour la composition de son cliché qui laisse voir le buste du poète. La plaque photographiée est celle devant le N°13 de l'avenue où se trouve la maison natale de Charles Trenet, devenue musée. Avant 1991, cette avenue portait le nom de Marcorignan, petite bourgade de proximité.


La célébration du 60e anniversaire de la Libération a fait sortir de l'ombre Hubert Faure, un membre du Commando Kieffer, la seule unité française à avoir débarqué le 6 juin 1944 sur les côtes normandes. Le Commando Kieffer, du nom de son chef, a livré une âpre bataille à Ouistreham dans le Calvados et essuyé de lourdes pertes. A un moment décisif du combat, un char d'une autre unité a été détourné d'autorité de son chemin par Philippe Kieffer lui-même et a permis de réduire au silence les défenses adverses qui disposaient d'un canon meurtrier. La commune de Neuvic en Dordogne a récemment appris qu'Hubert Faure, enfant du pays né le 28 mai 1914 à Neuvic levait le voile sur ses souvenirs et les faisait partager aux enfants des écoles. Très promptement, la décision de donner son nom à sa rue natale, depuis toujours nommée de façon pittoresque "rue du Villageou" s'est imposée, d'autant que valide nonagénaire, il y réside encore. Le 2 octobre 2004, l'inauguration de la rue a eu lieu à Neuvic, en présence du Maire de la commune et le l'ancien Président du Conseil Constitutionnel Yves Guéna; lui-même très actif dans la libération de la France depuis l'Angleterre et pensionnaire de ruedesrues. Il découvrait à cette occasion tardive ce frère d'armes d'une discrétion à toute épreuve puisqu'il avait échappé jusque là à la notoriété, alors que le nombre impressionnant de ses décorations fait contrepoint à sa modestie. Après l'armistice, Hubert Faure avait fait partie de ceux qui continuaient à harceler les forces d'occupation, et c'est bêtement dit-il, en acceptant de boire un verre d'adieu avant de quitter un combat par trop inégal qu'il s'était fait capturer. Evadé d'un camp de transit pendant que des camarades distrayaient à dessein l'une des sentinelles, il sera encore repris et s'évadera à nouveau par l'Espagne et le Portugal pour rejoindre l'Angleterre. Une fois la guerre terminée il put reprendre le cours de sa vie qui soixante ans plus tard lui permet de goûter un hommage qu'il accueille très simplement.
Le commando Kieffer composé de 177 hommes est évoqué ici :

http://perso.wanadoo.fr/stephane.delogu/commando-kieffer.html